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ABOUT MOI (il faut lire, c’est long et écrit petit)
C’est ici [1]que commence débute le grand déroulé. Je m’explique : ce support site ne comportera aucune hiérarchie ni articles. Il n’y en aura qu’un seul sans aucune césure, aucune interruption. Les strates vont venir se superposer temps après temps de telle manière que le dessous remontera sans cesse à la surface pour la fertiliser. Le 11 septembre, la machine à écrire est en panne, autant j’étais dans une grande dynamique depuis que Françoise était revenue (plusieurs articles sur Pluriallures) mais là, c’est le vide (mis à part la lecture). Balzac et Ronsard. Peut-être faut il repartir en montagne. Certainement, dès que le temps sera favorable un samedi ou un dimanche. Peut-être même ce dimanche, quitte à y aller seul si Françoise ne peut pas venir. J’ai très envie d’aller au Pic de l’Homme en Ariège, après avoir gravi le Pic de Tarbésou il y a quinze jours. Autrement les fondations sont à peine sèches que les feuilles et feuilles doivent s’empiler pour former les petites pièces à ciel ouvert des silences de souvenirs. Ils sont prêts à être distribués à tout vent et à qui passe là. L’été na pas été léger mais il y a eu des moments de lumière fixe, étale, sans poids réel, des temps de bien. Le 12 septembre, je me retire dans mes livres (dans mes lectures), c’est un sacré refuge. J’y habite. Je pense à cela ce matin, c’est à ce point vrai. Si le ciel se voile, si le ciel se marbre uniformément, si le ciel donne ce drap uniforme, c’est que le ciel veut nous monter sa face changeante, sa face pour nous tourmenter. C’est fait. L’effet est infiltré tout au long de cette journée. Comment le dire ? C’est du temps sans temps, sans déroulé. Ce sont des paroles, les miennes, les plus sensibles et directes qui ne s’adressent à personne, tout du moins, des paroles que personne ne perçoit ni n’entend. Des paroles simples personnelles et intenses. L’ouverture terrible du dire libre de n’être pas reçu, c’est tout de même quelque chose ! l’ainsi dire évanoui dans l’air est un pur besoin de maquis, de retraite tout en maintenant le vibré du mot à mot. Dans l’articulée scansion de ce qui sort, comme le régulier cheminement des croches de la basse de Ray Brown que j’écoute là. Toutes ces précautions pour la vie. Les régularités qu’elle nous inflige, assignées dans le rang de la raison. Les mots pour macler la raison. Dans la pâte le souffle pour lui donner une forme. Formes que tous pourront accepter. Parce que forme formée de jolis mots muqueux. De la poigne ! Le vendredi 13 (septembre) au matin à huit heures, je trouve dans une vieille édition de 1936 de « la mémoire de deux jeunes mariés » de Balzac, une photo d’amies du collège (dont une devenue actrice célèbre) et en dernière page de l’ouvrage, deux trèfles à quatre-feuilles séchés depuis bien du long temps. C’est la collision frontale avec la mémoire. le 16 septembre au soir, nous devisons avec Françoise et Pierre de la musique de Rachmaninov [2] pour piano, du caractère de cette culture et de celle de l’école Française qu’affectionne particulièrement Françoise. Pierre nous parle de son expérience de cette musique au piano et de ses difficultés d’interprétation, voire purement mécaniques (il sait de quoi il parle). Nous en venons à parler du concert du vendredi 13 septembre où nous allâmes écouter Françoise et moi du Bach interprété par David Fray à Toulouse. Le 17 septembre c’est un temps qui nous rapproche de l’automne, le ciel n’est plus là. [3] Ciel sans presque, sans son habituel relief, ciel d’horizon confondu, ciel d’haplologie, il y manque une substance. Le 20 septembre, si la fixité ou quasi-fixité des entrées et sorties de saisons est très repérable, les signes qui annoncent sont plus fins, infiltrés et à entrevoir, sentir. C’est la cas ces jours-ci. Le pensais ce matin aussi que ce site serait la préfiguration des textes écrits dans Pluriallures [4] et que ces bribes, des écaillures en seraient forcément extraits pour fonder les textes par ailleurs. Pas de problèmes avec la redondance, dans la mesure où elle recycle, retourne, resserre le pâton et rempote. Ce même jour au soir. On réduit souvent notre compréhension de phénomènes par leur axe territorial et d’espace alors que c’est plus pertinent de les aborder par le « temps ». Un pays c’est de la durée, du temps dans la langue avant tout. Comme le cinéma c’est de la parole avant d’être des images. Le 22 septembre, au château de Bruniquel dans la brume au matin et dans le large ciel bleu ensuite. La cuisine au sous sol, on élabore en contrebas, en entresol, antre, on dîne aux premiers, les mâchicoulis tout du haut. La galerie renaissance de toute beauté en balcon dans ce vide de la vallée. Pas à pas dans cette journée, c’est l’événement de ce village, les pierres et son double château. Le 23 septembre C’est la pierre noire du jour : la chaleur et le vent (sec) bien sûr et fort. C’est ce qui est. Advenu nous le saurons le soir venu. C’est la suffocation douce de la fin de mois de septembre à Toulouse. Tout est la dans cette présence, sans besoin de déplié. C’est un jour que l’on peut qualifier d’ordinaire. Ce jour est un documentaire étroit. Contenu entier dans ses propres bornes. Dans le conventionnel de la confiance à lui faite. Je pense terminer ce soir la lecture du troisième Balzac de ce mois et commencer Proust « à la recherche du temps perdu ». J’en aurai comme cela pour un bon moment. Nous verrons. Nous n’avons qu’une langue [5], la langue maternelle et il nous reste à en apprendre une autre ; la langue de l’amour. Construisons les « instants » pour parvenir à s’aimer dans le même temps que nous pouvons « verbaliser » cette charge de polarisant magnétique d’amour. Hier la serveuse amène mon plat unique, reste très légèrement en retrait et parvient parfaitement à me servir ce plat. Elle revient plus tard, quand j’ai effectivement fini. Elle parvient toujours avec ce léger et habile retrait à ôter tout de mon plat et couverts devenus inutiles pour la suite de ce repas. Ce jour c’est jour du fragmentaire et demain sera plus objet de « trace », objet complet. Le tour en aura été fait. La serveuse discute avec une dame sous les arcades et dans un accès de gentillesse veut donner un croissant à son chien. Non ! il ne faut pas ! Le chien le mangera très certainement mais il n’est pas bon de donner une viennoiserie à un chien. J’aime bien quand on n’a pas grand chose à penser, comme ce jour par exemples, constater la réversibilité des propos. L’extrême réversibilité. le 25 septembre, mon anniversaire et dans le même temps je perds un oncle. Il fait très doux, on se tient dehors sur la terrasse, on ne fait rien, on laisse filer le temps et justement le fait de ne rien faire laisse le temps sur place. J’écoute Paul Bley solo. Le 01 octobre, Françoise a 50 ans, il fait chaud, nous sommes quatre. Tard, il fait encore chaud. Chaud, tard, octobre. Le 02 octobre : Les deux extrêmes de l’axe : Solitude et Communion. Il ne faut pas que l’un entache l’autre de son ombre et de sa lumière et inversement. Le 3 octobre à midi nous devisons ensemble avec Pierre de « Nocturnes » de Debussy et surtout « Sirènes », les voix qui nous prennent, nous parlons de la tonalité de Si et La majeur, les intervalles de quintes du tout début et les gammes pentatoniques, plus tard appelées « Blues », bref, ce qui fait toute l’étrangeté de cette musique et son actuelle modernité nous enchante, ainsi que Françoise qui est celle de nous trois qui aime le plus Debussy. Lors d’écoutes, nonchalamment, en passant près du piano je laisse traîner un doigt sur le clavier pour relever les tonalités, me conforter de la première intuition. Le soir je rentre très tard du travail, Françoise me dit qu’elle a entendu la pianiste Anne Queffelec jouer Haydn à la radio et elle a été très touchée. Le 04 Octobre, je commande donc le disque de Anne Queffelec jouant Haydn pour Françoise. Du reste il faut que je lui trouve celui où elle interprète Haendel. [6] . Le 14 octobre, dans le mêlé on va essuyer de nos mains le joli métope, le nettoyer et y inscrire de nos veines, nos pensées de cinquante et un ans. Le 15 octobre, le style creuset de toutes nos inégalités. Dans la langue écrite, dans son transparent. Le soir, je travaille à de petits morceaux d’utopies. Le 16 octobre, dans la mémoire, je cherche ce qui se dés-ancre, ce qui fait notre part commune, ce qui ploie du loin en loin. C’est dans ce lieu commun que je nomme ce qui échappe : d’où peut-on dire quel est le régime de la trace ? C’est ce qui n’est plus mais qui « insiste » en nous. Passé les choses passées on en vient à l’égalisation de nos incertitudes. Nous tenons là notre « figuration ». Le 19 octobre à Lille, je teste mes hypothèses de lecture. Pas de bonne intention prospective au fond de la lecture sans hypothèse de lecture. Pas donc sans cela. Pas. Le 20 octobre, à Lille bois et sous-bois et le canal de la Deule tout du long dans le parallèle, c’est humide et c’est tout. Ombragé mais si peu de soleil du haut. Il y a quelque chose plus haut car plusieurs fois je croise des escaliers qui y vont là bas haut. Une autre part de la ville est par là. Tout est en pierres. Des pierres d’hommes et de ville. Vers le haut je distingue une stèle. Mais je n´y vais pas. Je ne vais pas vers la stèle et ne monte pas ces marches. Je n’y vais pas. Je suis le père convers aujourd’hui mais je ne m’emploie à rien. Je marche le long du canal. Je pense justement aux sept répliques du désir. Cette toponymie que j’ai commencée il y a quelques mois et qui est restée telle, sans suite. La pénitence et l’aria du désir dans ses sept répliques. Il faudra justement bien s’attacher à monter toutes les coutures du récit. C’est une multi transition qui s’éclaire de sa propre loupiote. J’ajouterai, j’ajouterai, j’ajouterai. Le 21 octobre à Reims chez les amis : « Ce qui est premier, ce n’est pas l’être plein et positif sur fond de néant, c’est un champ d’apparences » (Merleau-Ponty). Sur le chemin du retour sur le tapis de l’autoroute, je me repasse tout et tout, la bijection de la manifestation intérieure. Les amis. L’essentiel les amis. Ils condensent le fluide. Les souvenirs passent au dé-chaulage, les pigments mâchurés coulent en fond du jour. Le pourpre du ciel dans l’amour et c’en est la fin. C’est le retour sur l’autoroute, des points irradiés de toutes parts que nous croisons, des lignes vides qui vont bientôt exister. Le 26 octobre à Bruxelles, la bouche ouverte et sa langue qui trousse les mots. Beaux axes parcourus et cette cathédrale aux vitraux magiques.
Voir en ligne : Pluriallures
Notes
[1] Les mille-feuilles, site unique pour un seul article-texte.
[2] Rachmaninov, Balakirev, magnifiquement interprétés par la pianiste Olga Kern.
[3] J’écrivais ailleurs à ce propos que le ciel était un pavage blanc.
[4] http://palomar.tv/pluriallures
[5] Deleuze
[6] Joseph Haydn Anne Queffelec Mirare. Sonate n°62 en Mi bémol majeur Hob. XVI/52 Variations en Fa mineur Sonate n°53 en Mi mineur Hob. XVI/34 Sonate n°54 en Sol majeur Hob. XVI/40